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Japan Expo 2016 §2 : Hiro Mashima et la French Touch

Par le :: Manifestations

japan_expo , 2016

Après m'être focalisé sur Saint Seiya, je passe à la tête d'affiche de cette année à Japan Expo, à savoir l'invité d'honneur manga, Hiro Mashima et j'effectuerai une transition vers les opérations autour de la French Touch.

Hiro Mashima est intervenu une première fois sur scène le vendredi pour effectuer sa conférence publique. Il était déjà venu à Japan Expo en 2010 en tant qu'invité annexe et j'avais été déjà frappé par sa popularité en France, avec une salle qui était bondée pour sa conférence. Avec pourtant la publication de Rave derrière lui et plusieurs tomes de Fairy Tail publiés, il avait l'état d'esprit d'un débutant, avec énormément d'humilité, voire de déconsidération en rappelant le rôle de son éditeur éditorial qui corrigeait ses histoires.

Six ans après, je n'ai plus vu le même homme qui a pris de la bouteille – en expérience pas physiquement – et qui s'est présenté sans son éditeur d'ailleurs.

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Il est d'abord revenu sur sa vocation initiée par son grand-père qui lui apportait des mangas jetés dans la rue. Son héros préféré de l'époque reste Son Goku de Dragon Ball. Il a voulu concevoir ensuite ses propres personnages et a commencé à se diriger sur la voie du dessin en autodidacte.

Le mangaka a rapidement enchaîné sur son planning type de la semaine, avec la conception de l'histoire et le lundi il discute des story-boards avec son éditeur pour finaliser la trame. Il passe la mardi à crayonner et les trois jours suivants sont consacrés à l'encrage avec le renfort de 4 assistants : Deux d'entre eux s'occupent des arrière-plans et les deux autres travaillent sur les finitions. Le samedi est sa journée de repos ou sert de contingence pour pouvoir livrer dans le temps.

Il avoue qu'il n'a pas eu de jours de repos depuis longtemps, mais d'un autre côté il conserve quelques loisirs tels que jouer aux jeux vidéo ou écouter de la musique punk rock. Si vous le suivez sur twitter, vous avez aussi pu remarquer qu'il est très présent sur les réseaux sociaux. C'est un lien avec les fans, important pour lui, et il s'amuse de quelques réactions courroucées lorsqu'il tue l'un de ses personnages. Il a pris l'habitude d'être parodié en tant que la Mort qui fauche ses protagonistes

Il jette aussi un coup d'œil intéressé aux fan-fictions qui proposent des approches différentes de la sienne et peuvent lui inspirer des idées. Il s'est montré très ouvert à plusieurs reprises dans ses propos pendant la conférence. Il pense par exemple continuer à visiter le passé des personnages secondaire via des analepses, mais il ne pourra pas traiter tout le monde donc il attend un peu les avis des fans pour se décider. À un autre moment, il a confirmé qu'il est du genre à tout expliquer et à ne laisser aucun mystère en suspens dans ses histoires, mais il se peut qu'il omette certaines explications sans le vouloir et il compte aussi sur ses lecteurs pour le lui signaler. 

D'ailleurs, l'un des moments sympathiques de la conférence est d'avoir vu des fans cosplayés pouvoir monter sur la scène pour poser leur question en direct et rencontrer le mangaka.   

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Cette année,  nous fêtons les dix ans Fairy Tail, alors que Hiro Mashima pensait produire au départ une histoire sur une dizaine de tomes, soit seulement 2 ans. Le mangaka a vu son œuvre grandir et a même l'impression que ses personnages peuvent évoluer sans lui. Il n'en a pas de préféré dans l'absolu ou du moins son avis est changeant, suivant le personnage qui joue un rôle central dans l'arc qu'il écrit. Du coup, en ce moment, il a une préférence pour Lucy en ce moment.

Cette dernière reflète une partie de lui, à savoir son côté artistique. Il se reconnaît également dans Natsu quand il était petit et Happy représente ses envies de rêveries et de paresse.

Depuis ses débuts, le mangaka a fait de gros progrès en dessin et a appris de nouvelles techniques. Son conseil pour les débutants et de beaucoup dessiner et de montrer ses productions à son entourage pour avoir leur avis et corriger ensuite ses défauts. En revanche, Hiro Mashima fait particulièrement attention à conserver l'engouement qu'il avait à ses débuts, qui peut s'étioler au fil du temps.

De manière plus générale, il a pu constater quelques évolutions dans le métier, notamment la portée du manga à l'étranger qui devient un critère à prendre en compte. Il aime bien dessiner les scènes de fan service et cela lui vaut quelques difficultés dans certains pays plus puritains qu'en France ou au Japon. Un autre aspect du secteur que le mangaka a remarqué est la profusion de candidats qui tentent leur chance et veulent percer, alors que le marché du manga est en crise. On nage en plein paradoxe.

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Il est resté évasif sur la suite de l'histoire de Fairy Tail, sauf qu'il veut toujours surprendre ses lecteurs, de la même manière qu'il a introduit un saut de sept ans dans la chronologie, précédemment. Il fait beaucoup appel au chiffre 7, en référence à l'expression Lukcy Seven, qui lui a fait aimer le nombre. La seule certitude est que le mangaka ne compte pas faire intervenir Happy sous forme humanoïde, comme cela a pu être le cas avec Carla. En marge de sa dédicace publique, il a esquissé un affreux Happy humain pour illustrer ses dires : "ce serait moche".

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Le lendemain, Hiro Mashima est revenu sur scène pour une Battle drawing avec Reno Lemaire, l'auteur de la bande dessinée Dreamland qui fête également ses 10 ans cette année. Pour l'occasion, il y avait un espace d'exposition pour Dreamland du côté des stands éditeurs.

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Le coin Fairy Tail était avec les autres expositions Saint Seiya et French Touch, avec divers matériels bien en vue au sujet du manga et plusieurs produits dérivés, dont les figurines tsume.

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Le duel entre les deux auteurs s'est déroulé en trois manches, pendant lesquelles les auteurs avaient dix minutes pour dessiner sur un thème.

Le premier sujet a été le football, où Hiro Mashima a tenté un portrait de Paul Progba tandis que son adversaire a réalisé une belle composition dynamique.

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Le mangaka japonais a pris sa revanche avec son thème de prédilection suivant : Les jolies filles. Il a pris le temps de placer Lucy, Erza et Wendy sur sa feuille, tandis que Reno Lemaire a démoli son héroïne et expédié le tout rapidement pour pouvoir suivre l'avancée du dessin de Hiro Mashima.

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Dans le round final, chaque auteur devait dessiner le personnage principal de l'autre mais à ce jeu-là, Reno Lemaire était avantagé en connaissant bien Natsu, même si Hiro Mashima s'est bien débrouillé pour cerner les traits de Terrence Meyer.

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L'opération était un prétexte pour voir les deux artistes à l'œuvre et les faire rencontrer et dialoguer. L'ambiance est restée bon enfant, avec en prime l'arrivée de deux gâteaux pour célébrer les dix ans de chaque manga.

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Reno Lemaire faisait partie des invités estampillés French Touch, un des thèmes majeurs de Japan Expo cette année. L'idée était de réunir des artistes français qui travaillent dans le milieu du manga ou de l'animation japonaise. En quatre jours, pas moins de 13 conférences concernaient ce sujet, auxquelles vous pouvez rajouter les master classes en petit comité des animateurs, ainsi qu'une exposition.

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Les panneaux de l'exposition présentaient les invités, les dessinateurs de mangas francophones et d'autres professionnels français basés au Japon, avec quelques exemples de leurs travaux et de très courtes biographies. C'était succinct mais les portraits étaient nombreux.

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Les différents artistes se sont également relayés pour compléter une fresque pendant le festival.

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Pour ma part, je me suis intéressé à la partie animation mais malheureusement, la plupart des conférences de chevauchaient avec celle d'un invité japonais, à l'exception de la dernière, le dimanche, qui réunissait Thomas Romain, Eddie Mehong, Stanislas Brunet et Vincent Nghiem.

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Du lot, Thomas Romain doit être le plus connu, avec, à son actif, outre une participation à des titres connus tels que Space Dandy ou Macross Delta, un art book publié sur ses travaux pour ses 10 ans de carrière au Japon.

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De son intervention, j'ai retenu l'histoire de ses débuts avec une passion pour l'animation japonaise qui ne s'est pas concrétisée tout de suite dans ses études, où il était plutôt parti sur une voie scientifique à l'université. Cependant, voir un camarade féru d'électronique qui passait ses week-ends à bidouiller les circuits lui a révélé qu'il n'était pas franchement motivé par ce qu'il apprenait.

À cela s'ajoute la rencontre avec Savin Yeatman-Eiffel qui lui fait découvrir l'industrie de l'animation en France et le dirige vers des écoles d'animation dont les fameux Gobelins, qu'il intègre. Le cursus colle à la production américaine et notamment à l'univers des Disney mais les autres élèves lui font découvrir plus professionnellement l'industrie japonaise.

Le secteur en France était plutôt morose à l'époque avec pas mal de contraintes intervenaient dans la manière de concevoir une série télévisée : Les épisodes devaient avoir des histoires complètement indépendante tandis que Thomas Romain appréciait avoir un fil conducteur tout le long. Le futur animateur n'était pas non plus très chaud pour travailler à l'américaine, malgré les énormes moyens disponibles outre Atlantique.

En décembre 2001, le forum des images a accueilli la 2e édition du festival des Nouvelles Images du Japon. La manifestation m'avait marqué car Hayao Miyazaki était venu présenter le Voyage de Chihiro mais cela a été aussi l'occasion de voir d'autres réalisateurs et de nombreux films sur grand écran, de Princess Arete à Junkers Come Here, en passant par Metropolis. Les heures de queue pour réserver ses places m'avaient marqué mais j'avais vraiment vécu l'événement comme un cadeau de Noël avant l'heure.

Cependant, j'avais fait moins attention à la présence de Yasuo Ôtsuka qui a tenu une master class pendant la semaine avec des étudiants en animation, triés sur le volet. Parmi eux, il y avait Thomas Romain et Eddie Mehong. Le vétéran en animation leur a dit qu'ils étaient bons et qu'ils devaient tenter leur chance au Japon. Pour Thomas Romain, cela été le déclic et il s'est inscrit dans la foulée à des cours pour apprendre le japonais.

Eddie Mehong, lui, a rejoint l'animateur japonais chez Studio Telecom et y apprend le métier "à la japonaise" pendant un an, avant de poursuivre son chemin, qui le conduit de nouveau au Japon chez Satelight puis en freelance, avant de fonder son propre studio Yapiko Animation. Outre sa master class, il y a eu une conférence avec des membres de son équipe, avec qui il est revenu sur la manière de travailler avec les japonais mais aussi sur leurs projets. L'un d'entre eux implique la participation de Mitsuo Iso, directeur de l'animation sur Denno Coil et animateur clef remarqué sur Evangelion, FLCL et Cowboy Bebop. Ce dernier faisait partie des invités surprises pas annoncés mais présent dans la salle.

Japan Expo 2016

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Pour revenir à Thomas Romain, après avoir commencé sur le projet Code Lyoko, le jeune Français a participé à Oban Star Racer, avec un atelier de travail installé dans la salle de billard de l'appartement de Savin Yeatman-Eiffel. Quelques années passent ainsi avant de réunir les fonds et pouvoir faire appel aux studios japonais mais en 2003, l’équipe s’installe à Tôkyô pour lancer la production.

Thomas Romain découvre alors un milieu artisanal dans des locaux en désordre et encore aujourd’hui à l’ère du papier, mais induit d’une forte passion. Le premier studio spécialisé dans les décors qu’il a connu, consistait en une seule et unique personne.

En volume, la production japonaise écrase la France. L’animateur a ressorti à plusieurs reprises ses chiffres de 2014 : 260 heures d’animation produite en France contre 2 000 au Japon et 6 longs métrages français versus 74 films japonais. Le nombre de personnes n’est pas non plus le même avec une filière qui représenterait 5 000 personnes chez nous  dont quelques centaines d’animateurs, alors que le même total représente même pas la masse d'animateurs au Japon, avec 90% des studios concentrés dans deux districts de Tôkyô, Nerima et Suginami. L'invité a aussi mentionné le gap qui sépare la production américaine où le budget d'un seul blockbuster "standard" pourrait faire vivre l'ensemble du secteur de l'animation française pendant dix ans.

L’environnement à Tôkyô plaît à Thomas Romain même si la manière de travailler avec les japonais n’était pas évidente. Sur Oban Star Racer, ils ont dû négocier avec eux alors que ces derniers changeaient le scénario en douce au moment de la production, alors que les français apportaient les fonds et avaient donc leur mot à dire, même si le préjugé d'être paresseux leur collait à la peau. L’animateur français a aussi apprécié la culture que pouvaient avoir tous les intervenants, pas seulement les techniciens mais aussi les producteurs ou les gens chargés du marketing, qui connaissaient bien le secteur.

La production d’Oban Star Racer a été l’opportunité pour Thomas Romain de beaucoup dessiner pour mieux communiquer avec les japonais, mais aussi de concevoir de nombreux décors, en découvrant qu’il n’avait pas à rougir de son niveau, plus habitué aussi que d’autres à travailler directement en numérique.

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Stanislas Brunet qui faisait aussi partie de l’aventure Oban Star Racer a plus un profil de mécha designer. Pendant le peu de  sa conférence que j’ai pu suivre, il a pu rappeler l’aspect artisanal de l’industrie japonaise. Contrairement aux américains qui n’hésitent pas à demander divers essais à plusieurs personnes pour faire leur marché, un premier choix s’effectue au Japon dès l’embauche de l’équipe et il n’est pas question de multiplier les essais dans tous les sens. Il y a beaucoup de réflexion en amont de la production.

Le mecha designer français a confirmé qu’il pensait immédiatement au produit dérivé possible pendant sa phase de conception. Ses créations restent virtuelles et la concrétisation arrive lorsqu’un fabricant compose une adaptation en 3D.

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Pour revenir à la conférence commune, les intervenants ont procédé une comparaison rapide des carrières françaises et japonaises : En France, la formation est poussée et les jeunes diplômés débutent leur carrière à des postes déjà importants, avec la logique de sous-traitance de l’animation proprement dite dans les pays de l’Europe de l’Est ou d’Asie. Au pays du soleil levant, les études sont plus courtes et les débutants commencent à des postes subalternes, entre 18 et 20 ans.

L’approche japonaise est de faire apprendre le métier petit à petit mais aussi de donner des responsabilités de plus en plus grandes, en faisant ses preuves. C’est la voie qu’a dû suivre Eddie Mehong qui a pu se former pendant un an au Japon mais qui a dû se contenter d’un simple poste d’intervalliste. L’équivalent de 400€ par mois est insuffisant pour pouvoir vivre et il faut donc prévoir quelques économies.

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Oban Star Racer a permis à Thomas Romain et Stanislas Brunet de travailler directement à des postes de designer, qui sont généralement plus durs à atteindre directement, surtout en étant étrangers parce que cela suppose une maîtrise avancée du japonais, étant données les nombreuses interactions avec les autres équipes.

Quant à Vincent Nghiem, il a d’abord fait un stage au studio Satelight dans la section décor de Thomas Romain, avant de rejoindre définitivement le studio 6  mois après la fin de ses études, là aussi, à un poste plutôt au milieu de l’échelle et pas à celui d’un petit débutant.

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Les méthodes japonaises sont différentes de celles des occidentaux et cela nécessite un temps d’adaptation et à une perte de ses repères, même en ayant une certaine expérience derrière soi. Les horaires de travail sont aussi conséquents avec un besoin d’efficacité ne serait-ce qu’au niveau financier car les animateurs sont payés à l’acte. Il y a aussi un esprit de sacrifice collectif à avoir en période de rush en oubliant ses week-ends.

Parmi les points positifs, les animateurs ont souligné la profusion de projets, qui leur assure une activité continue et une dynamique positive. Avoir autant d’opportunités pour montrer son talent permet une progression de carrière rapide et donc des salaires plus importants et le confort qui va avec.  

Ensuite, ils constatent une émulation positive entre les différentes générations avec des animateurs phares qui servent de locomotives et d’icônes aux plus jeunes.

Enfin, ils ont souligné la qualité de vie à Tôkyô, une ville qu’ils jugent moins stressante que Paris. Même au travail, les conditions difficiles offrent une atmosphère bienveillante en contrepartie et les  temps forts qu’ils apprécient sont les moments organisés pour remercier les équipes.

Pour finir, il y a eu un peu de réclame pour le site de la Furansujin Connection, qui condense les biographies et expériences de plusieurs professionnels en poste au Japon, avec quelques pages de conseils pratiques pour ceux qui veulent tenter l’aventure sérieusement. À cela je rajouterai que les principaux intervenants sont présents et actifs sur Twitter et d’autres réseaux sociaux.

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Voir aussi

Japan Expo 2016 §1 : Saint Seiya & Gwendoline à l'honneur
Japan Expo 2016 §3 : Nouveautés et culture traditionnelle

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